La fin d'un mythe. Dans la conception du Code civil, la réserve était une part de succession ab intestat totalement à l'abri de la volonté du disposant qui n'avait action que sur la quotité disponible. A l'origine, il ne pouvait même pas composer la part réservataire de ses descendants, la réduction s'effectuant en nature : toutefois, dès 1938, la réduction des libéralités faites à successibles s'effectuera en valeur, ce qui permettra au disposant de composer le lot de ses réservataires (par des libéralités imputables sur part successorale) à défaut de pouvoir en diminuer quantitativement l'importance.
La loi du 23 juin 2006 a porté atteinte, pour la première fois, à ce qui était la manifestation la plus éclatante de l'ordre public successoral : désormais, la liberté contractuelle peut y faire échec. On verra, dans la suite des explications, que l'article 929 permet ainsi au réservataire de renoncer, non plus à la succession, mais à son action en réduction, en faveur d'une personne bien définie . Par exemple, l'enfant d'une précédente union pourra se dessaisir par avance de la possibilité d'attaquer les donations consenties à la seconde épouse de son père.
C'est surtout dans ce qui est, plus que jamais, le pacte de famille par excellence, la donation-partage, que ces nouvelles possibilités ouvertes à l'autonomie de la volonté et ce recul de l'ordre public successoral se manifestent : La loi de 2006, répondant à une demande de la pratique autorise pour la première fois l'acte « transgénérationnel », par lequel le réservataire accepte que tout ou partie de la part qu'il aurait dû recevoir aille à ses propres descendants .
En supprimant le principe que la réduction des libéralités adressées à des non-successibles s'effectue en nature et en permettant à l'étranger titulaire d'une libéralité excessive de conserver celle-ci, moyennant le versement d'une indemnité, la loi de 2006 porte la dernière atteinte au principe de « la réserve, part intangible de succession ab intestat » .